Comment cadrer un profil d'apprenant trop sûr de lui ?
Spoiler : il a déjà lu tous tes slides. Et il aurait formulé ça autrement.
Bonjour 👋
Bienvenue dans cette 35e édition de Superformateur !
Tu l’as sans doute déjà croisé, peut-être (trop) souvent…
Lui, c’est celui qui a « déjà tout vu », « tout testé », qui n’a pas vraiment besoin de ta formation (mais qui est quand même là).
Celui que tu as envie (intérieurement) d’insulter de :
Il te corrige, il te coupe, il complète avant même que tu aies terminé ta phrase. Il a souvent un avis (sur tout). Parfois, il répond aussi avec une certaine condescendance.
Mais si je te disais que son comportement peut également cacher de bonnes intentions ?
Ce profil d’apprenant peut fragiliser l’animation de ta session de formation et déséquilibrer les dynamiques de ton groupe. Si tu n’agis pas, tu vas alors t’épuiser.
Dans cette édition, on va plonger au cœur de cette situation délicate :
Pourquoi ce comportement n’est pas rare en formation ?
Quels impacts provoque-t-il dans l’expérience d’apprentissage ?
Comment réagir avec efficacité sans basculer dans l’affrontement ?
Comprendre « Monsieur Je-sais-tout ».
Avant d’agir, il faut comprendre. Et ici, le comportement de « Monsieur Je-sais-tout » (qui peut tout aussi bien être une Madame) répond pas toujours à une volonté malveillante.
Ce que ce comportement peut cacher :
Une insécurité dissimulée : les profils très démonstratifs sur leurs savoirs cachent parfois un fort besoin de reconnaissance.
Un passé de formateur ou de manager : certains ont l’habitude d’être celui qui sait : leur réflexe est donc de commenter, compléter ou valider tout ce que tu dis.
Une posture défensive : quand la formation est vécue comme une remise en cause (de leur expertise et/ou de leurs pratiques), certains adoptent une stratégie de contre-attaque.
Un manque de cadre initial : parfois, le formateur laisse une trop grande place à l’interprétation du rôle de chacun et les plus sûrs d’eux s’en emparent.
Ce comportement peut impacter négativement la dynamique collective s’il n’est pas cadré rapidement.
Les 4 erreurs à éviter face à cette personnalité.
Tu connais peut-être ces situations où tu as tenté quelque chose et où ça n’a pas eu l’effet que tu cherchais.
Voici 4 réflexes contre-productifs mais qu’on observe fréquemment :
L’ignorance volontaire :
« Je laisse couler, ça passera tout seul. »
Surtout pas.
Ce type de comportement a tendance à s’amplifier si tu ne mets pas de limites. Et les autres participants peuvent interpréter ton silence comme une validation implicite.
L’attaque frontale :
« Écoutez, vous n’êtes pas là pour faire la formation à ma place. »
Même si la remarque est fondée, le ton peut te décrédibiliser. Le rapport de force s’installe. Attention à l’effet boomerang qui n’est jamais loin. La tension peut monter et le groupe se crisper.
L’humour déplacé :
« On va faire une pause, je crois que certains en ont bien besoin… »
Tu risques d’humilier la personne, et davantage si tu prononces cette phrase publiquement. En utilisant l’humour, tu renforces la défiance de “Monsieur-Je-Sais-tout (ou Madame)” et tu sabotes l’expérience apprenante.
Le déni pédagogique :
« C’est bien d’entendre tes retours d’expérience, mais ce n’est pas le sujet ici. »
Oui, mais si tu dis ça trop tôt ou trop souvent, tu fermes la porte à des contributions potentiellement riches. Tu perds l’occasion de canaliser l’expertise.
5 stratégies concrètes pour reprendre la main sans aller au clash.
Voici 5 stratégies que tu peux actionner pour gérer ces situations sans déclarer la guerre.
Stratégie n°1 : installer un cadre clair dès l’ouverture.
Ce que tu dis dès les premières minutes va conditionner l’espace d’expression.
Exemple : « On est ici avec des expériences différentes, certaines très riches. L’objectif aujourd’hui n’est pas de comparer nos pratiques, mais de faire progresser les vôtres. Je serai garant du cadre pour que chacun ait l’espace de s’exprimer. »
Avantage : tu préviens sans viser et tu prépares le groupe à être vigilant.
Stratégie n°2 : créer un espace d’expression dédié.
Plutôt que d’étouffer ses interventions, canalise-les.
Exemple : « Je vois que tu as beaucoup d’éléments intéressants à partager. Ce que je te propose : à la pause, on prend 5 minutes pour en discuter si tu veux. Là, je vais avancer pour qu’on garde le cap. »
Avantage : tu valorises ses apports tout en fixant un cadre d’intervention.
Stratégie n°3 : mobiliser l’intelligence du groupe.
Plutôt que d’étouffer ses interventions, canalise-les.
Quand cet apprenant monopolise la parole, remets toujours le collectif au centre (quand il existe un collectif).
Exemple : « Merci pour cette précision. Est-ce que d’autres ont une expérience différente ou complémentaire à celle de [prénom] ? »
Avantage : tu redonnes du pouvoir au groupe.
Stratégie n°4 : recentrer avec élégance.
Quand l’intervention dévie ou surcharge le contenu, utilise un recentrage sobre mais ferme.
Exemple : « Je note que c’est un point qu’on pourrait approfondir, mais pour l’instant, on va garder notre fil rouge sur… »
Avantage : tu montres que tu entends ce qu’il dit mais sans valider ni t’écarter de ton déroulé pédagogique.
Stratégie n°5 : utiliser les supports pour baliser les échanges.
Les supports visuels (slide, paperboard, tableau, fiche) peuvent être des alliés pour ne pas te laisser déborder.
Exemple : fais figurer clairement les objectifs de chaque séquence, et réfère-toi-y pour rappeler le cadre : « Ce point est important, mais on est ici sur… »
Avantage : ce n’est pas toi qui refuses, c’est le cadre de l’activité.
Et s’il ne comprend (toujours) pas ?
Il peut arriver que les stratégies mises en place ne suffisent pas. Dans ce cas, le recadrage individuel s’impose, mais jamais publiquement !
Voici quelques pistes d’entretiens courts :
Exprimer ton besoin sans faire de reproche :
« J’ai besoin que chacun ait le même espace d’expression. J’ai senti que tes interventions fréquentes prenaient un peu trop de place pour ça. »
Valoriser ses compétences sans lui céder un boulevard :
« Tu as clairement une grande expérience. Ce que je te propose, c’est de l’utiliser comme levier dans les ateliers en petits groupes. »
Formule une attente concrète :
« Je te propose de noter tes compléments et de les partager dans la séquence dédiée. Ça permettra à tout le monde d’y gagner. »
Ces entretiens ne sont pas toujours confortables, mais ils sont indispensables pour la suite de la formation.
En conclusion
Gérer un profil expert en formation, c’est protéger la dynamique du groupe, préserver ton autorité (pédagogique) et garantir un climat propice à l’apprentissage.
Et surtout, c’est l’occasion de réaffirmer que dans un espace de formation, ce n’est pas celui qui sait qui importe le plus, mais celui qui permet aux autres de progresser.
Voilà, c’est tout pour cette édition.
On se retrouve la semaine prochaine pour le décryptage d’une nouvelle pratique.
À très vite,
— Quentin 💌
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