Problème d'hygiène chez un apprenant : comment l'aborder en formation ?
😷 Un parfum de malaise en formation ? Lis cette édition.
Bonjour 👋
Bienvenue dans cette 34e édition de Superformateur !
Cette semaine, on s’attaque à un sujet rarement abordé en formation, tant il met mal à l’aise. Et pourtant, il est crucial pour garantir un cadre d’apprentissage serein et respectueux.
Tu as déjà croisé cette situation inconfortable : un(e) apprenant(e) dégage une odeur corporelle prononcée, ses vêtements semblent sales, ou une haleine forte perturbe les échanges. Tu sens une gêne s’installer dans le groupe. Peut-être es-tu toi-même mal à l’aise, partagé(e) entre ton rôle de formateur et ton devoir de respect.
Ce sujet tabou met souvent les formateurs dans une situation délicate : que faire sans heurter, sans humilier, sans détourner l’attention de la formation.
Comment intervenir sans que cela dégénère ? (Notamment, si plusieurs apprenants se sont plaints de cette situation).
Dans cette édition, je t’accompagne pas à pas désamorcer ces situations délicates, avec quelques repères solides.
Pourquoi faut-il en parler ?
Le non-dit : ce poison silencieux qui nuit à la dynamique du groupe.
Hélas, ignorer un problème d’hygiène ne le fait pas disparaître.
Au contraire, cela risque :
De gêner l’ensemble du groupe (surtout en salle fermée…),
De détourner l’attention des contenus de formation,
De provoquer des moqueries ou l’exclusion du participant par le groupe,
D’abîmer la posture du formateur, perçu comme passif face à cette situation.
En tant que formateur, tu es garant de l’environnement d’apprentissage. Cela ne te donne pas tous les droits, mais cela t’oblige à agir dans l’intérêt du groupe (et de la personne concernée).
Tu as mis du soin et de l’implication dans ta préparation : ce serait vraiment dommage que cet épisode prenne le dessus sur tout ce que tu avais prévu de transmettre.
Problèmes d’hygiène d’un participant : des réalités parfois complexes.
Lorsqu’un apprenant dégage une odeur corporelle marquée ou semble négliger son apparence, l’interprétation spontanée est souvent la plus réductrice : un simple oubli de douche, un manque de soin ou un laisser-aller personnel. Or, ces situations recouvrent bien souvent des réalités bien plus profondes.
La cause peut être sociale : une personne en situation de grande précarité, sans accès stable à un hébergement, à une salle de bain fonctionnelle ou à des vêtements propres, ne dispose pas des mêmes possibilités que les autres pour soigner son hygiène au quotidien.
Elle peut être psychique : certains troubles mentaux altèrent la perception sensorielle, le rapport au corps ou la capacité à s’autogérer.
Elle peut être médicale : certaines pathologies (comme l’hyperhidrose), des infections ou certains traitements peuvent entraîner des odeurs persistantes, indépendamment de la volonté de la personne.
Elle peut être culturelle : le rapport au corps, à la propreté, à l’intimité et aux odeurs varie fortement selon les contextes d’origine.
Et elle peut aussi être conjoncturelle : un événement de vie difficile (un deuil, une rupture, une charge mentale intense,…) peut momentanément désorganiser certaines routines élémentaires.
Dans tous les cas, aborder ces situations avec prudence (et grande humanité) est indispensable en adoptant une posture éthique :
Si tu pars du principe que l’autre fait de son mieux avec les ressources dont il dispose, cela changera tout dans ta manière d’intervenir.
3 étapes pour éviter les faux-pas.
Étape 1 : Valider que le problème existe réellement.
Tu es incommodé ? Ne conclus pas trop vite (même sous la pression des autres participants).
Demande-toi avant si cette situation est :
Récurrente ou ponctuelle,
Partagée par d’autres ? (ne fais pas de “sondage”, observe les comportements : un co-participant qui ouvre la fenêtre, évite de s’asseoir à côté…).
Une gêne “objectivable” ou un ressenti trop subjectif ?
Si tu en as la possibilité, tu peux consulter un responsable formation ou le référent handicap si tu en as (le regard croisé est souvent précieux).
Étape 2 : Évaluer les impacts sur le groupe.
Un problème d’hygiène devient une “urgence” pédagogique s’il :
Perturbe clairement le groupe (des réactions visibles, des remarques ou évitements),
Provoque une exclusion sociale (isolement, mises à l’écart),
T’empêche toi-même d’interagir sereinement.
Dans ce cas : agir est ta responsabilité en tant que formateur.
Étape 3 : Choisir le bon moment et le bon cadre.
Face à une situation, la manière dont tu choisis d’intervenir est aussi importante que le message lui-même. Deux règles d’or doivent toujours te guider : ne jamais aborder le sujet en public, et ne jamais le faire dans la précipitation.
Prends le temps de poser un cadre respectueux :
L’échange doit avoir lieu en aparté, à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes, dans un espace qui permet à la personne de ne pas se sentir exposée ou jugée. Choisis le bon moment (par exemple pendant une pause) et assure-toi que tu es disponible pour mener cette conversation sans tension inutile.
Ta posture compte autant que tes mots : une voix posée, un regard calme, une présence rassurante. Sois attentif à ne pas provoquer de rejet ou d’humiliation.
Comment en parler sans blesser ?
Je te propose ici une trame conversationnelle, construite à partir d’échanges et de retours d’expérience partagés avec d’autres formateurs (que tu pourras ajuster selon ton contexte).
Amorcer le dialogue sans tergiverser :
« J’aimerais te parler de quelque chose d’un peu délicat, mais important. Est-ce que tu es à l’aise pour qu’on prenne deux minutes à part ? »
Installe une écoute sincère.
Garde le regard doux (sans froncer les sourcils).
Nommer le fait sans juger :
« Je vais te dire les choses avec le plus de respect possible. J’ai remarqué (et certaines personnes m’en ont parlé aussi) qu’une odeur corporelle assez forte peut se faire sentir quand tu es dans la salle. »
« Je pense que tu n’en as peut-être pas conscience, et je voulais t’en parler en privé, avec beaucoup de respect. »
Ne fais aucune hypothèse sur la cause. Tu ne sais rien et surtout, tu n’as pas à savoir.
Expliquer pourquoi tu en parles :
« Si je me permets de t’en parler, ce n’est pas pour te blesser, mais parce que ça commence à créer du malaise dans le groupe, et ça peut affecter ta relation avec les autres. »
« Je sais que ce sont des choses sensibles, et je veux qu’on puisse en parler sans gêne excessive. »
Proposer un soutien pendant la formation si besoin :
« Si tu traverses une période compliquée, ou si c’est lié à autre chose, je peux te rediriger vers une personne ressource. »
« Si tu as besoin de quelque chose de spécifique pour te sentir mieux, n’hésite pas à me le dire. »
Clore la conversation (avec dignité) :
« Merci de m’avoir écouté. Ce n’est pas simple à dire, ni à entendre. Si tu veux qu’on en reparle à un autre moment, je suis dispo. »
« Ce que je souhaite, c’est que tu puisses vivre cette formation dans les meilleures conditions possibles. »
Les cas complexes que tu peux rencontrer dans cette situation.
Cas N°1 : L’apprenant nie ou se braque.
Ce qu’il ne faut surtout pas dire :
« J’ai un truc super gênant à te dire, mais bon, faut bien que quelqu’un le fasse. »
Le problème : Ton annonce est brutale et tu crées une tension immédiate.
Ce que tu peux faire :
Reste calme et ferme :
« Je comprends que tu sois surpris(e) ou que tu ne sois pas d’accord. Ce n’est pas un jugement. Je t’informe de ce que j’ai perçu, et de l’impact que ça peut avoir dans le groupe. »
Laisse passer un temps, sans vouloir convaincre à tout prix.
Ne cherche pas à “prouver” quoi que ce soit. Tu n’es pas dans un tribunal.
Cas N°2 : Un autre participant se plaint ou se moque.
Ce qu’il ne faut surtout pas dire :
« Franchement, tu pourrais faire un effort. L’odeur, c’est juste plus possible. »
Le problème : Ta formulation est culpabilisante et peut immédiatement créer de la honte et de la fermeture chez ton apprenant.
Ce que tu peux faire :
Interviens fermement, en rappelant la règle du respect mutuel :
« Je t’arrête. On ne fait pas de remarques sur le corps ou l’apparence des autres ici. S’il y a un souci, je m’en occupe. »
Tu es garant du cadre.
Cas N°3 : Tu suspectes une situation de grande précarité.
Si tu es en lien avec le responsable de la formation, transmets l’information de manière discrète, sans relayer la gêne mais en alertant sur un possible besoin d’accompagnement.
Sinon, propose un soutien à ton participant :
« Si tu veux, je peux t’indiquer des endroits où tu peux te sentir mieux, où on peut t’aider. »
Pour conclure…
Aborder le problème d’hygiène d’un participant est un exercice délicat et de haute précision. Moi-même, après plusieurs années d’expérience dans l’animation de formation, j’ai toujours autant de difficulté à traiter cette situation lorsqu’elle se présente.
Malheureusement, il n’existe aucune formule magique.
Cependant, sois serein ici : ce n’est ni ton rôle d’éduquer, ni celui de diagnostiquer, ni celui de juger. Ton seul levier, c’est de préserver le cadre relationnel, et ta capacité à maintenir le respect dans le groupe.
Voilà, c’est tout pour cette édition.
On se retrouve la semaine prochaine pour le décryptage d’une nouvelle pratique.
À très vite,
— Quentin 💌
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